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L’agilité : une application en demi-teinte ?

La transformation agile des organisations a le vent en poupe. Mais cette ruée vers l'agile promet-elle l'eldorado?

Depuis plus d’une vingtaine d’années, l’agilité pousse les murs des organisations pour les rendre plus flexibles, adaptables et maitres de leur écosystème. Et pourtant… La méthode est loin d’être une formule miracle. Les désillusions sont nombreuses. Eldorado ou mirage ? Voici les clés pour passer à l’agile avec succès.

En 2001, dix-sept spécialistes du génie logiciel co-écrivent le Manifeste agile, et formalisent des méthodes déjà appliquées dans les organisations depuis plusieurs années.

L’agilité devient la capacité d’une organisation à s’adapter à son environnement, en priorisant la collaboration avec ses clients, les interactions entre ses individus et la confrontation régulière de produits opérationnels avec son terrain. Les organisations agiles, ainsi définies, placent l’humain au cœur, s’opposent aux processus lourds et au taylorisme souvent en vigueur.

Le Manifeste ne donne pas de route imposée, mais place sous une bannière unique des méthodes, comme Scrum ou Extreme Programming, en même temps qu’il livre 12 principes illustrant les leviers d’actions dont disposent les organisations pour favoriser leur transformation.

L’agilité, terre de promesses

En vingt ans, le mode de fonctionnement agile s’est répandu dans de nombreux secteurs : informatique, logiciel, banque-assurance, industrie musicale, administration… Et s’applique maintenant à tous types de projets. Notamment parce qu’il met en exergue au sein des équipes trois forces fondamentales : le collectif, la relation directe avec le client et la capacité à s’adapter. L’agile ne se limite plus aux projets logiciels.

L’agile se déploie et convainc : les organisations y entrevoient la possibilité d’offrir à leurs collaborateurs un environnement de travail sain et séduisant, le moyen de booster leurs équipes ou de créer de nouvelles opportunités pour exceller sur leur marché.

Figure de proue de ce mouvement en plein essor : Spotify. En octobre 2012, le géant suédois du streaming musical décrivait son modèle dans un livre blanc : « une organisation où il fait bon vivre et qui inspire ». Et prouvait que l’agile pouvait s’appliquer à l’échelle d’une entité internationale.

L'exemple agile Spotify

Mais tout n’est pas si rose que ça...

La plupart des équipes agiles ne le sont pas. Je ne connais aucune entreprise agile.

Si l’agilité a fait naître une multitude de promesses, elle a aussi généré de nombreux travers. En avril 2020, Jeremiah Lee, ancien Product Manager chez Spotify, décriait le modèle agile de l’entreprise suédoise en pointant du doigt l’échec qu’il justifiait en quatre points :

  • Une mauvaise répartition des responsabilités ;
  • Une mauvaise gestion de l’autonomie des équipes ;
  • Un accompagnement trop faible (l’entreprise présumait que les gens avaient une compréhension existante des pratiques agiles, alors que la collaboration est une compétence qui nécessite des connaissances et de la pratique) ;
  • Une mythologie devenue difficile à changer et à remettre en cause en raison de la forte identité culturelle de l’entreprise.
Anders Ivarsson lui-même, co-auteur du livre blanc de Spotify et en charge de coacher les équipes agiles, nuance aujourd’hui la réussite du modèle.

Cela m’inquiète lorsque les gens regardent ce que nous faisons et pensent que c’est un cadre qu’ils peuvent simplement copier et mettre en œuvre. Nous nous efforçons maintenant de souligner que nous avons également des problèmes. Tout ne se résume pas à : « nous sommes brillants, tout fonctionne bien et nos équipes sont incroyables ».

Et pour cause ! Si le modèle agile possède ses adeptes, il a également mis en lumière certaines dérives dans les organisations et fait ressortir des problématiques structurelles. Trois raisons à cela :

  • Beaucoup d’organisations qui ont recours aux méthodes agiles ne font qu’alourdir les process existants et la charge de travail induite sans pour autant inculquer l’état d’esprit nécessaire au changement.
  • L’agilité est une transformation et donc, de fait, provoque du changement. Ce changement est vécu différemment selon les collaborateurs : certains y adhèrent, certains mettent plus de temps à l’accepter, d’autres le refusent ou se sentent perdus. La transformation provoque parfois du désordre dans l’organisation et la gestion des hommes.
  • Par nature, l’agilité peut causer du mal-être du fait qu’elle charrie avec elle certaines notions qui peuvent être mal vues ou mal comprises : le sprint par exemple, qui ne veut pas dire aller vite mais délivrer régulièrement ; ou encore la mêlée, l’autonomie et la focalisation.
Certaines organisations dites agiles n’appliquent ni les préceptes ni les fondamentaux de la méthode. Elles se trompent également sur l’état d’esprit et les enjeux qu’elle véhicule : l’agilité ne permet pas d’aller vite mais elle permet d’aller mieux et de délivrer juste du premier coup.
Le cycle agile

Le cadre agile

La transformation agile, ce n’est pas un mode d’emploi à respecter, ce n’est pas simplement proposer des outils et des méthodes. Ce qu’on propose doit répondre à des problématiques réelles de l’organisation.

Pour que l’agilité opère, l’organisation ne doit pas oublier pourquoi elle souhaite se transformer, quelle est sa volonté initiale. Les frameworks agiles sont des outils et des méthodes, ils ne sont pas la solution. L’organisation doit se les approprier pour que le changement soit réussi et durable.

Surtout, il faut que la culture agile soit en phase avec la culture de l’entreprise. Quand les deux visions sont antinomiques, l’échec est immédiat et crée souvent un fossé entre le top management (oppressant, régulateur, qui impose des contraintes de temps et de budget) et des collaborateurs forcés d’appliquer une méthode qui ne leur ressemble pas.

Il faut aussi que l’objectif soit bien compris et réaliste.

On voit trop souvent des organisations devenir agiles pour les mauvaises raisons : elles veulent améliorer leur time to market. Mais l’agile, ce n’est pas que ça !

Certaines organisations dites agiles n’appliquent ni les préceptes ni les fondamentaux de la méthode. Elles se trompent également sur l’état d’esprit et les enjeux qu’elle véhicule : l’agilité ne permet pas d’aller vite mais elle permet d’aller mieux et de délivrer juste du premier coup.
Agilité centrée utilisateur

Alors quelles sont les clés pour faire de l’agile une réussite, et améliorer (vraiment) le quotidien de vos collaborateurs ?

L'agilité est bonne lorsqu’elle est oubliée.

Pour que l’agilité fasse sens et s’imprime positivement dans l’organisation, trois grands principes doivent être respectés en amont.

1. Répondre à une problématique ou à un besoin

La transformation opérée doit répondre à un objectif, une volonté, un leitmotiv. Car c’est l’atteinte de cet objectif qui va agir comme catalyseur pour l’ensemble de l’organisation et motiver les équipes tout au long du cycle de transformation.

Mais attention à l’objectif que vous fixez ! La transformation ne doit pas être placée sous le prisme de la vélocité et du gain de productivité, au risque de pressuriser les équipes, de négliger les étapes nécessaires au changement et de faire échouer la transformation qui demande du temps et de l’engagement.

Première étape : faites un diagnostic de l’existant, interrogez tous les niveaux de collaborateurs de l’entreprise afin de comprendre, recenser et croiser les problématiques qu’ils rencontrent au quotidien.

Vous devez être au clair sur les raisons d’impulser le changement et sur le cap que vous cherchez à atteindre.

Parmi les questions à vous poser en amont de la démarche :

  • Quels changements souhaitez-vous apporter par rapport à l’existant ?
  • Quels sont les objectifs que vous voulez atteindre ? (Ex : devenir leader de…)
  • Quelles sont les envies de vos collaborateurs ?
  • Quels défis voulez-vous relever ?
  • Quels seront les marqueurs de réussite de votre transformation ?
La volonté de transformation doit être comprise, claire et partagée par tous, depuis le top-management jusqu’aux équipes terrain. L’organisation évitera ainsi d’être freinée ou empêchée par des individus réfractaires qui seraient des obstacles à la transformation et qui communiqueraient dans un sens inverse au changement.

2. Appliquer la transformation à l’ensemble de l’organisation

Votre projet de transformation agile ne doit pas engendrer une implication sélective des collaborateurs. Les équipes RH, marketing, support, R&D, juridique doivent toutes disposer de la même légitimité à s’engager dans la démarche de transformation.

Ignorez cette loi et vous déclencherez deux problèmes majeurs : vous créerez des camps entre ceux qui vivent la démarche et ceux qui la regardent d’un œil externe. Et vous réduirez le périmètre de diffusion de l’énergie liée à cette transformation.

Par ailleurs, pour que les choses fonctionnent, le changement ne doit pas être uniquement organisationnel. La transformation doit être large et englober toute l’organisation, les individus, les process et les outils.

L’objectif ? Lever les freins et les obstacles dans le processus de transformation de fabrication du produit. Si le cycle de vie qui mène au déploiement du produit est agile – depuis les individus jusqu’aux process, en passant par les outils – et qu’il n’y a pas d’obstacles, alors la transformation sera réussie.

3. Conserver une vision centrée utilisateur

L’énergie liée à une transformation agile doit être en partie nourrie par la volonté de se rapprocher du client. Aujourd’hui, la plupart des organisations sont silotées : la connaissance du client est regroupée dans un pôle ou déléguée à des services extérieurs, et souvent considérée comme une activité à part entière.

L’étude de connaissance client permet à l’organisation de connaitre les besoins des futurs utilisateurs, de définir leur profil, le budget qu’ils peuvent consacrer au
produit, leurs attentes au sein de leur environnement… Elle doit incomber à chaque collaborateur de l’organisation.

Le mode d’Organisation Produit rappelle une chose fondamentale : le nombre d’intermédiaires idéal entre les équipes de fabrication et les utilisateurs est… 0. Les méthodes et les outils proposés par les différentes formes d’agilité tendent vers cet objectif, afin de lier ceux qui ont des besoins et des problèmes (les utilisateurs) avec ceux qui peuvent y répondre ou les résoudre (les équipes de fabrication).

Seulement voilà : souvent, dans les organisations, l’information est diluée. Elle circule d’un point A à un point Z. Elle est transformée, modifiée, perd parfois son essence, on oublie le contexte qui la justifie.

Pour gagner en efficacité, l’approche client doit respecter une trajectoire orthodromique, c’est-à-dire qu’elle doit suivre la route la plus courte d’un point A à un point B. Sans intermédiaires, vous gagnez du temps : vous évitez de devoir transmettre l’information d’un niveau à un autre. Vous économisez aussi de l’énergie : plus besoin de remonter à la source pour comprendre le réel besoin du client. Vous avez directement les problématiques du client sous les yeux.

Deuxième élément fondamental : la rencontre et l’écoute, qui permettent de catalyser les feedbacks et les pistes d’amélioration du produit. Mener des interviews, créer un panel de clients ou entretenir un réseau d’ambassadeurs sont autant de bonnes pratiques pour conserver une approche client directe et rester en lien permanent avec le terrain.

Tous ces grands principes sont des prérequis. Malgré tout, ils doivent bien sûr être éprouvés. L’agilité est une boite à outils, une source d’inspiration pour l’organisation qui doit ensuite, d’elle-même, créer un modèle agile sur-mesure, qui colle à son ADN et son identité.

La clé d’une grande transformation réussie, c’est de lui donner du poids. Et donc du temps. Considérez la transformation comme une tâche, un projet. Devenir agile est un travail à part entière. Et c’est aussi savoir faire marche arrière et ajuster la méthode lorsqu’elle ne répond plus à ses besoins.

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