L‘article explore les stratégies utilisées dans les interfaces numériques pour nous inciter, voire nous contraindre, à adopter l’intelligence artificielle, que nous le souhaitions ou non. Il souligne que jamais une fonctionnalité n’a été autant mise en avant en si peu de temps, reflétant les investissements massifs dans cette technologie et la nécessité de les rentabiliser.
Qui est concerné ?
Le sujet touche particulièrement les designers qui sont au cœur de cette évolution, mais aussi les entreprises qui adoptent l’IA dans leurs processus créatifs et les utilisateurs finaux, dont les interactions avec les produits ou services peuvent devenir plus homogènes en raison de l’utilisation excessive de l’IA.
Ce qu’il faut retenir :
L’IA sur le devant de la scène
L’intelligence artificielle s’impose progressivement dans les interfaces numériques, occupant les espaces les plus visibles et modifiant l’expérience utilisateur.
Elle est non seulement mise en avant spatialement, comme sur Snapchat où MyAI reste en tête des conversations, mais aussi visuellement, avec des couleurs et animations spécifiques dans des outils comme Notion ou Acrobat Reader.
Son intégration peut perturber le flux de travail habituel, à l’image de Photoshop qui affiche plusieurs pop-ups promotionnels dès l’ouverture. De plus, ces fonctionnalités sont souvent activées par défaut et difficiles à désactiver, comme sur Strava où l’IA commente automatiquement les activités des utilisateurs sans possibilité de l’empêcher. Cette omniprésence pousse ainsi les utilisateurs à interagir avec l’IA, parfois même malgré eux.
L’IA, un outil “magique”
L’intelligence artificielle est souvent présentée comme une technologie magique et innovante, renforcée par un langage et des symboles spécifiques.
L’icône ✨, omniprésente, évoque l’émerveillement et distingue l’IA des autres fonctionnalités, tandis que les couleurs mauves et bleu-mauve renforcent cette impression de puissance douce et rassurante. De plus, les entreprises emploient un langage valorisant, avec des termes comme “powerful” ou “explore the power”.
Cette approche graphique et sémantique favorise une présentation uniforme de l’IA, indépendamment de ses usages spécifiques, comme en témoigne l’icône IA identique sur Zoom et Google. Enfin, cette mise en scène tend à simplifier la perception du fonctionnement de l’IA en mettant l’accent sur son accessibilité et ses promesses d’efficacité.
L’IA un assistant personnel plus qu’une feature
L’intelligence artificielle est de plus en plus présentée comme un assistant personnel plutôt qu’un simple outil, renforçant son intégration dans nos usages numériques.
Cette personnification passe par des prénoms comme « Aria » (Opera) ou « Leo » (Brave) et des interfaces qui la traitent comme un interlocuteur humain, à l’image de MyAI sur Snapchat.
De même, des termes comme « Copilot » (Microsoft) ou « Companion » (Zoom) suggèrent un rôle de collaborateur prêt à aider, tout en masquant le fait qu’il ne s’agit pas d’un véritable échange mais d’un outil automatisé. Cette mise en scène contribue à normaliser l’omniprésence de l’IA et à justifier son expansion dans divers services.
Par ailleurs, en présentant son usage comme une compétence professionnelle indispensable, l’IA est implicitement imposée comme un critère de compétitivité, accentuant la pression sur les travailleurs. Derrière cette apparente aide, l’IA se positionne ainsi comme un élément incontournable du monde numérique, au risque de redéfinir nos interactions et notre rapport au travail sans réel débat sur ses implications.
Application et Réflexions :
Le point de vue de Suricats
On trouve que cette course effrénée pose un vrai problème de transparence et de liberté de choix pour l’utilisateur. Si l’IA est aussi performante qu’on nous le promet, elle devrait pouvoir convaincre par ses avantages, et non s’imposer par défaut. Le risque, c’est qu’en habituant les gens à dépendre d’une IA omniprésente, on réduise leur capacité à fonctionner sans elle. Cela crée une forme de dépendance qui peut s’avérer dangereuse à long terme.
Pour autant, il ne faut pas non plus diaboliser cette évolution : l’IA offre de réels gains en productivité et en accessibilité. La vraie question est donc de savoir comment encadrer son déploiement pour éviter les dérives.
Questions à se poser / Débat possible
Voici les questions que l’on peut se poser pour avancer de manière éclairée dans l’intégration de l’IA :
Le consentement des utilisateurs est-il réellement respecté ?
Sommes-nous encore libres de choisir si nous voulons utiliser l’IA, ou bien les interfaces nous y orientent-elles subtilement, voire explicitement ?
Pourquoi une telle précipitation dans l’adoption de l’IA ?
S’agit-il d’une avancée technologique naturelle ou d’une course économique et stratégique menée par les grandes entreprises du numérique ?
Quels sont les impacts sur nos compétences et notre autonomie ?
À force de déléguer certaines tâches à l’IA, risquons-nous de perdre des compétences clés comme la pensée critique, la créativité ou l’apprentissage autonome ?
Les bénéfices de l’IA justifient-ils les méthodes d’intégration actuelles ?
Cette adoption rapide et parfois imposée sert-elle réellement l’intérêt des utilisateurs, ou s’agit-il surtout de rentabiliser les investissements des entreprises ?
Peut-on encore refuser l’IA dans notre quotidien ?
Si l’IA devient incontournable dans les outils que nous utilisons, est-il encore possible de s’en passer sans être pénalisé socialement ou professionnellement ?
Ces interrogations soulèvent des enjeux essentiels. Elles nous invitent à réfléchir à ce que l’on considère comme des bonnes ou des mauvaises pratiques, et à affirmer nos convictions en matière de design responsable et éthique.